Les Pas – Paul Valery

Les pas

Tes pas, enfants de mon silence,
Saintement, lentement placés,
Vers le lit de ma vigilance
Procèdent muets et glacés.

Personne pure, ombre divine,
Qu’ils sont doux, tes pas retenus !
Dieux !… tous les dons que je devine
Viennent à moi sur ces pieds nus !

Si, de tes lèvres avancées,
Tu prépares pour l’apaiser,
A l’habitant de mes pensées
La nourriture d’un baiser,

Ne hâte pas cet acte tendre,
Douceur d’être et de n’être pas,
Car j’ai vécu de vous attendre,
Et mon coeur n’était que vos pas.

A la Claire Fontaine – Chanson Populaire

À la claire fontaine
M’en allant promener
J’ai trouvé l’eau si belle
Que je m’y suis baigné

Il y a longtemps que je t’aime jamais je ne t’oublierai

Sous les feuilles d’un chêne
Je me suis fait sécher
Sur la plus haute branche
Un rossignol chantait

Il y a longtemps que je t’aime jamais je ne t’oublierai

Chante, rossignol, chante
Toi qui as le cœur gai
Tu as le cœur à rire
Moi, je l’ai à pleurer

Il y a longtemps que je t’aime jamais je ne t’oublierai

J’ai perdu mon amie
Sans l’avoir mérité
Pour un bouton de rose
Que je lui refusai…

Il y a longtemps que je t’aime jamais je ne t’oublierai

Je voudrais que la rose
Fût encore au rosier
Et que ma douce amie
Fût encore à m’aimer

Il y a longtemps que je t’aime jamais je ne t’oublierai

Selon que c’est un homme ou une femme qui chante, on écrira ami ou amie. Le bouton de rose refusé prend plus de sens quand c’est une femme qui chante, car on peut y voir une métaphoredu sexe féminin.

Paroles (sans laisse ni refrain – pour information)[modifier | modifier le code]

À la claire fontaine m’en allant promener
J’ai trouvé l’eau si belle que je m’y suis baigné.
Sous les feuilles d’un chêne, je me suis fait sécher.
Sur la plus haute branche, un rossignol chantait.
Chante, rossignol, chante, toi qui as le cœur gai.
Tu as le cœur à rire… moi je l’ai à pleurer.
J’ai perdu mon amie sans l’avoir mérité,
Pour un bouton de rose que je lui refusai…
Je voudrais que la rose fût encore au rosier,
Et moi et ma maîtresse dans les mêmes amitiés.

Plain Chant – Jean COCTEAU

Je n’aime pas dormir quand ta figure habite,
La nuit, contre mon cou ;
Car je pense à la mort laquelle vient trop vite,
Nous endormir beaucoup.

Je mourrai, tu vivras et c’est ce qui m’éveille!
Est-il une autre peur?
Un jour ne plus entendre auprès de mon oreille
Ton haleine et ton coeur.

Quoi, ce timide oiseau replié par le songe
Déserterait son nid !
Son nid d’où notre corps à deux têtes s’allonge
Par quatre pieds fini.

Puisse durer toujours une si grande joie
Qui cesse le matin,
Et dont l’ange chargé de construire ma voie
Allège mon destin.

Léger, je suis léger sous cette tête lourde
Qui semble de mon bloc,
Et reste en mon abri, muette, aveugle, sourde,
Malgré le chant du coq.

Cette tête coupée, allée en d’autres mondes,
Où règne une autre loi,
Plongeant dans le sommeil des racines profondes,
Loin de moi, près de moi.

Ah ! je voudrais, gardant ton profil sur ma gorge,
Par ta bouche qui dort
Entendre de tes seins la délicate forge
Souffler jusqu’à ma mort.

Mon rêve familier – Paul Verlaine

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? – Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.

J’écris – Anna de Noailles

J’écris pour que le jour où je ne serai plus
On sache comme l’air et le plaisir m’ont plu,
Et que mon livre porte à la foule future
Comme j’aimais la vie et l’heureuse Nature.

Attentive aux travaux des champs et des maisons,
J’ai marqué chaque jour la forme des saisons,
Parce que l’eau, la terre et la montagne flamme
En nul endroit ne sont si belles qu’en mon âme !

J’ai dit ce que j’ai vu et ce que j’ai senti,
D’un cœur pour qui le vrai ne fut point trop hardi,
Et j’ai eu cette ardeur, par l’amour intimée,
Pour être, après la mort, parfois encore aimée,

Et qu’un jeune homme, alors, lisant ce que j’écris,
Sentant par moi son cœur ému, troublé, surpris,
Ayant tout oublié des épouses réelles,
M’accueille dans son âme et me préfère à elles…

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